Les résultats partie I
Le Grenelle de l’environnement, puis le SDAGE1 2016-2021 ont classé 98 captages comme prioritaires sur l’ancienne région Languedoc Roussillon. Des programmes d’actions ont été mis en place, ou sont en cours d’élaboration sur tous ces territoires, pour reconquérir durablement la qualité de l’eau potable. De manière générale, ces programmes d’actions sont préférés à des investissements curatifs sur l’eau avant distribution, car ils s’avèrent souvent moins coûteux. Ils sont par contre complexes à mettre en œuvre, nécessitent une animation locale, la mobilisation d’un grand nombre d’acteurs différents, et sont plus difficiles à quantifier et à évaluer en termes d’impacts sur la ressource en eau.
Vacquières est l’un de ces captages prioritaires sur lesquels une démarche a été initiée (depuis 20 ans). Il est l’illustration d’une réussite, tant sur la dynamique locale et la appropriation par les agriculteurs des actions proposées, que sur les résultats en terme de qualité de l’eau potable. L’évaluation de la démarche, et des actions menées sur ce territoire, va permettre de répondre à certaines questions essentielles comme l’impact réel sur la qualité de l’eau, ou les facteurs de réussites et d’échecs des actions proposées. Cette expérience pourra aussi être utilisée pour transmettre des connaissances et des conseils aux autres territoires concernés par un enjeu similaire de protection de la ressource en eau, et y favoriser à terme la mise en place d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement montrant ainsi qu’il est possible de concilier agriculture et qualité des eaux.
1. LA MÉTHODOLOGIE
L’évaluation de la démarche mise en place sur le captage de Vacquières porte sur :
la situation initiale, les raisons qui ont conduit à proposer des actions sur ce territoire, et la pertinence de ces actions
la mise en œuvre des actions : facteurs de réussite, freins, menaces et opportunités
l’évolution de la pression sur la ressource et l’impact des actions sur la qualité de l’eau
La méthodologie utilisée pour réaliser cette évaluation a consisté à analyser les documents déjà existants sur la démarche (études préalables, documents de suivi, compte-rendu d’activités, rapports d’analyses de la qualité de l’eau…), à collecter des données éventuellement manquantes (évolution des pratiques des agriculteurs depuis le lancement de la démarche,….), à mettre à contribution les acteurs locaux concernés comme les agriculteurs ou les partenaires financiers (questionnaires, entretiens individuels, réunions de concertation..) et à solliciter l’appui extérieur d’un bureau d’études expert dans l’évaluation des programmes d’actions.
2. ÉTAT INITIAL ET LANCEMENT DE LA DÉMARCHE
Les analyses d’eau réalisées à la fin des années 90 ont mis en évidence une pollution diffuse de la ressource en eau, avec la présence de molécules de la famille des herbicides, fréquemment utilisés en agriculture à cette époque. Le bassin versant d’alimentation du captage n’intègrant que des espaces naturels (pinèdes et garrigues), et des parcelles agricoles, le lien entre les pratiques agricoles et la pollution de la ressource a pu être rapidement fait, et les efforts se sont donc concentrés en majorité sur les acteurs agricoles. Il n’était pas nécessaire d’intégrer un volet non agricole (pour les collectivités ou les particuliers par exemple) au vu de l’occupation du sol sur ce bassin versant.
En revanche, dès les premières réunions locales, les éléments du contexte local ont été pris en compte dans les propositions d’actions :
contexte pédoclimatique : système karstique très réactif en cas de précipitations, climat méditerranéen avec des précipitations peu fréquentes mais intenses, profils de sols très variables sur le territoire avec notamment des sols calcaires caillouteux difficiles à travailler, …
contexte économique favorable : activité agricole presque exclusivement viticole, faible nombre d’exploitants (15) avec majoritairement des caves particulières, classement en AOP Languedoc (et aujourd’hui AOP Pic St Loup), forte valorisation des produits
contexte agricole : diversité des pratiques de désherbage (beaucoup de désherbage en plein initialement), diversité de taille et de structuration des exploitations, diversité de profils de viticulteurs, existence d’un collectif local antérieur à la démarche.
Plusieurs alternatives aux herbicides de l’époque ont ainsi été proposées aux exploitants, pour intégrer la diversité des types de sols (le travail du sol n’était possible que sur certaines parcelles, d’autres pistes comme l’utilisation de produits différents ou la réduction des doses ont aussi été étudiées) ou celle des possibilités (techniques ou économiques) des exploitants (test sur une parcelle pour commencer, démonstrations de matériels, évolution progressive des pratiques…). Les actions proposées tenaient compte du territoire, des problématiques et des besoins des exploitants.
L’implication très en amont des agriculteurs a aussi contribué à créer une mobilisation importante. En effet, la démarche de Vacquières est antérieure au classement du captage au Grenelle de l’Environnement. Les premières années, un temps important a donc été consacré aux échanges avec les agriculteurs locaux, pour construire avec eux un projet qu’ils puissent s’approprier et mettre en œuvre (projet de développement local d’un territoire, avec l’objectif de reconquérir la qualité de l’eau). Ces nombreux échanges, cette réflexion conjointe sur les actions à mettre en place, et l’appropriation par les viticulteurs de la démarche, ont permis dès le départ de poser des bases solides pour une réussite future.
3. LA MISE EN ŒUVRE DES ACTIONS
Les facteurs de réussite
Dès les premières années de mise en place de la démarche, on constate une réduction de l’utilisation des intrants, une forte augmentation de l’entretien mécanique du vignoble, une augmentation de l’enherbement, et une diminution des risques de pollution ponctuelle. La qualité de l’eau s’améliore, et ne présente plus de dépassement de norme en 2001.
➜ Comment l’expliquer ?
Pouvait-on le prévoir et l’anticiper ? Pourquoi est-ce durable ?
En plus de la prise en compte des éléments de contexte local, comme indiqué précédemment, plusieurs facteurs expliquent la réussite de la démarche.
Tout d’abord, la dynamique collective locale, antérieure à la mise en place de la démarche, qui a été essentielle. Les viticulteurs de Vacquières se connaissaient et avaient déjà l’habitude d’échanger entre eux. Lorsque la Chambre d’agriculture est venue les voir en 1997, pour leur parler des problèmes de pollution du captage, ils se sont montrés réceptifs. Ils étaient eux-mêmes consommateurs de l’eau du captage, et ont reconnu qu’ils avaient une responsabilité, et qu’il était dans leur propre intérêt de réagir, notamment par rapport à l’image de leur métier et de leurs produits ;ils se sont donc naturellement appropriés la démarche. La présence de certains éléments moteurs a aussi favoriser un effet de groupe et une prise de conscience collective et progressive, qui a entraîné une mobilisation de quasi tous les viticulteurs. Enfin, plusieurs générations de viticulteurs étaient présentes au lancement de la démarche, et encore aujourd’hui, de nouveaux jeunes continuent à s’installer sur le territoire. Ce renouvellement contribue à éviter qu’il y ait des retours en arrière dans les pratiques.
Ensuite, la Chambre d’agriculture a fait preuve de diplomatie, n’a rien imposé dans son animation, mais a proposé des alternatives aux herbicides de l’époque, adaptées et réalisables. Les agriculteurs ont été impliqués pour faire part de leurs besoins et identifier les marges de progrès propres à chacun. Petit à petit, c’est un véritable projet de développement du territoire qui s’est construit, avec pour objectif de reconquérir durablement la qualité de la ressource en eau. Chacun s’est senti libre d’évoluer à son propre rythme, et a pu s’approprier la démarche. L’ouverture d’esprit dont les
viticulteurs font preuve, et leur volonté de ne pas rester sur des acquis, ont aussi été facilitatrices pour la mise en œuvre des actions.
L’échelle de travail (superficie restreinte des surfaces cultivées en vigne, petit nombre d’exploitants concernés) a également joué un rôle, puisqu’il était assez facile de toucher tous les exploitants et de travailler au cas par cas.
Parmi les autres facteurs de succès, l’accompagnement et l’animation réalisée par la Chambre d’agriculture de l’Hérault ont été cités à plusieurs reprises, car les relations entre cette structure et les viticulteurs ont toujours été très bonnes, et ont garanti la bonne mise en œuvre de la démarche.
Les outils financiers proposés à partir de 2008 (MAE, PVE) ont aussi eu leur impact, car même s’ils ne sont pas toujours indispensables, ils ont incité certains à franchir le cap d’un changement de pratiques. Sans ce levier financier, ces évolutions n’auraient peut-être pas eu lieu.
L’aspect économique n’était pas non plus négligeable. Etant donné le contexte local (AOP Languedoc et Pic St Loup, caves particulières), les viticulteurs peuvent valoriser des produits à haute valeur ajoutée, et prendre plus de risques. Les bénéfices d’évoluer vers des pratiques vertueuses sont importants pour les exploitations, et facilitent les évolutions.
Enfin, les questionnements qui peuvent exister aujourd’hui sur l’utilisation des produits phytosanitaires et leur impact sur la santé ou l’environnement n’étaient pas les mêmes en 1997. La pression sociétale était moins forte, ce qui a permis aux agriculteurs de changer leurs pratiques plus sereinement, et sans avoir le sentiment qu’on leur imposait. Il s’agissait de leur propre initiative.
