Les résultats partie II

LES FREINS ET LES DIFFICULTÉS

Existait-il des facteurs limitants dès le lancement de la démarche ?
Certains éléments du contexte local auraient pu constituer une contrainte. En effet, le territoire présente des profils de sols très différents selon les secteurs. Certaines vignes sont situées en zone de calcaire affleurant, et il était compliqué d’y envisager un travail du sol car cela nécessitait des travaux lourds et coûteux au préalable (engin lourd de labour, broyage lié à la remontée de pierres). Un même itinéraire technique ne pouvait donc pas être appliqué partout, et il a fallu raisonner au cas par cas.

Quels obstacles ont été rencontrés ? Pourquoi ?
A ces contraintes techniques initiales se sont ajoutées des difficultés diverses, tout au long de la démarche. De 1997 à 2006, les actions mises en place ont été menées en collaboration directe avec les agriculteurs, et ont principalement tourné autour des alternatives au désherbage chimique. A partir de 2008, les outils financiers à cadrage européen (MAE et PVE) ont été intégrés dans les programmes d’actions. S’ils offraient des possibilités intéressantes (financer les surcoûts liés à un changement de pratiques ou l’investissement dans du matériel souvent coûteux), ils ont aussi leurs limites et ont entrainé quelques blocages :

  • en 2008, certains critères d’éligibilité aux MAE et PVE étaient restrictifs (limite d’âge, superficie minimale, exclusion de certaines formes sociétaires, non éligibilité de certains matériels coûteux au dispositif d’aide PVE) : quelques exploitants, pourtant intéressés et volontaires, se sont retrouvés dans l’incapacité de contractualiser, ce qui a entraîné un sentiment d’injustice et une forte démobilisation.
  • les dispositifs MAE et PVE (puis PCAE en 2015) sont complexes et génèrent des contraintes administratives (déclaration PAC, bilan annuel pour la MAE, montage des dossiers de subvention pour le PVE/PCAE…). Si la structure animatrice n’avait pas aidé les exploitants sur ces tâches administratives, certains auraient renoncé. De plus, depuis 2015, les importants retards de paiement des aides ont constitué des freins pour certains exploitants qui hésitaient à s’engager ou à investir.

Depuis le premier programme d’actions en 2008, certaines tâches qui n’avaient pas toujours été anticipées (sensibilisation à la conditionnalité des aides, réponses à des appels à projets, conventionnement avec les maitres d’ouvrages du captage…) ont été chronophages, et une partie du temps dédié à l’animation s’est retrouvée mobilisée sur ces tâches au détriment de certaines actions de terrain. Malgré les moyens importants consacrés à l’animation du programme, il n’a pas toujours été possible de réaliser toutes les actions prévues, faute de temps, et une priorisation a souvent été nécessaire, pour se consacrer sur les actions susceptibles d’avoir le plus d’impact et le plus de participation.

En 2011, la révision de la DUP du captage a fixé certaines contraintes réglementaires supplémentaires. Pour une exploitation notamment, cette DUP a eu de nombreuses conséquences : parcellaire agricole figé, nécessité de mettre en place un nouveau système de gestion des effluents, permis de construire bloqué. Malgré cela, l’exploitation a toujours eu la volonté d’avancer et a su transformer cette DUP en atout. Ils ont aussi été aidés par la souplesse dont a fait preuve le syndicat gestionnaire du captage (SMEA), qui leur a permis de pouvoir réaliser les aménagements dans de bonnes conditions.

Enfin, en 2006, l’Agence de l’Eau a eu la possibilité d’accompagner des projets sur de petits territoires. Il a alors été proposé aux agriculteurs de Vacquières de construire leur projet de territoire pour être éligibles à des financements. Ils se sont fortement impliqués, et avec l’aide de la Chambre d’agriculture, ils ont rédigé un projet complet qui permettait de réduire la pression phytosanitaire sur la zone. Il relevait plus du projet de développement du territoire, que d’un projet de changement de pratiques (même si l’évolution des pratiques de désherbage en constituait l’un des volets principaux), mais il aurait aussi permis de reconquérir durablement la qualité de l’eau. Malheureusement, même si les actions étaient pertinentes, le cadre réglementaire dans lequel s’inscrivaient d’éventuels financements restait complexe, et ce projet n’a pas été retenu, ce qui a créé une vive déception chez les exploitants. Il a alors été très difficile de les convaincre de poursuivre leurs efforts, puis de les faire adhérer au programme d’actions proposé en 2008, qui s’appuyait en grande partie sur des outils financiers comme les MAE ou les PVE. Ce nouveau programme était orienté vers une évolution de pratiques à l’échelle de tout le territoire, et les actions proposées n’étaient pas forcément adaptées au territoire ou aux exploitants (critères d’éligibilité aux outils très restrictifs).  Malgré cela, les exploitants ont considéré que ces nouvelles actions venaient quand même valoriser le travail qu’ils réalisaient depuis 10 ans, et qu’elles pouvaient être pertinentes. Ils ont donc continué à participer, et la démarche (et la qualité de l’eau) a été pérennisée.

➜ Les viticulteurs font preuve de vigilance et de proactivité
sur leur territoire, pour assurer la pérennité de la démarche.

Comment gérer la contrainte du temps des agriculteurs ?
Comment éviter l’essoufflement et la démotivation ?
Même si la démarche est une réussite, tous les exploitants ayant des parcelles cultivées sur ce territoire n’ont pas eu la même implication et n’ont pas évolué de la même manière. Certains ont participé aux actions dès le départ, alors que pour d’autres, il a été nécessaire de voir les résultats concrets de ces actions avant de se lancer aussi.

Le temps est l’un des premiers facteurs limitant pour les exploitants. Certaines périodes de l’année sont chargées, et il est difficile de pouvoir les solliciter à ces moments-là. Il est donc nécessaire de s’adapter à leurs contraintes pour s’assurer d’une participation plus importante : faire les formations avant le début de la campagne ou à l’hiver, faire les bilans MAEC après les vendanges, etc…
Enfin, pour éviter l’essoufflement, il faut connaitre les besoins des exploitants, pour proposer des actions qui soient adaptées. Les agriculteurs de Vacquières ont pris l’habitude depuis longtemps de solliciter la Chambre d’agriculture, ce qui a permis par exemple de mettre en place des nouvelles actions en fonction de l’évolution de leurs besoins : la confusion sexuelle sur le secteur, le groupe Viticulture Durable, certaines formations sur la vie des sols, etc…

LES MENACES ÉVENTUELLES

Actuellement, la démarche est dynamique et les résultats sur la qualité de l’eau sont positifs. Mais après 20 ans d’actions, il faut quand même s’assurer que cette démarche soit pérenne et qu’il n’y ait pas de retour en arrière.

Comment continuer à mobiliser les acteurs locaux ?
Quels sont les risques qui peuvent fragiliser la démarche et les efforts déjà entrepris ?
L’une des premières menaces serait le risque d’essoufflement, de démotivation de la part des exploitants. Les pratiques ont déjà beaucoup évolué (88% des surfaces en vigne en zéro herbicides en 2018), la pression phytosanitaire a été fortement réduite sur le secteur, et les démarches mises en place par les exploitants sont pérennes. Ces dernières années, les actions se sont d’ailleurs diversifiées, avec notamment la mise en place d’un GDON ou de la confusion sexuelle pour réduire les traitements insecticides. Les agriculteurs sont déjà très sensibilisés aux problématiques environnementales, et développent une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Le récent projet de vente/acquisition de parcelles sur le secteur devrait conduire à l’installation de jeunes viticulteurs en agriculture biologique. La pérennité de la démarche ne semble donc pas menacée.

De plus, depuis 20 ans, la valorisation des efforts réalisés ou la communication sur la démarche ont été limitées. Cela reste cependant essentiel, à la fois pour continuer à informer les agriculteurs (les sensibiliser, les accompagner dans leurs projets, rester en veille) mais aussi pour communiquer vers l’extérieur, récompenser le travail des agriculteurs et utiliser leur expérience sur d’autres territoires qui auraient des problématiques similaires.

La question se pose aussi sur la poursuite éventuelle d’une animation sur le territoire. Aujourd’hui, il ne semble pas y avoir de menace de retour en arrière sur les pratiques ou sur la qualité de l’eau, mais cela pourrait être le cas à l’avenir. La présence d’une animation permet de rester en veille, de continuer à sensibiliser les exploitants ou de les conseiller. Si l’animation disparait, le moyen de veiller à la pérennité de la démarche peut disparaitre aussi, même si les viticulteurs eux-mêmes font preuve de vigilance et de proactivité sur leur territoire.

Enfin, les viticulteurs s’interrogent sur de nombreuses thématiques, qui vont devenir des challenges à relever dans les années à venir. Réchauffement climatique, accès à l’eau, impact des pratiques sur la vie des sols, fertilisation de la vigne, maitrise du foncier, réglementation sur les produits phytosanitaires, idées reçues sur l’agriculture et ses pratiques ou bien encore utilisation des levures et des sulfites dans la vinification, sont autant de sujets cités, et sur lesquels ils souhaitent pouvoir anticiper. Au vu de leur motivation, il est donc prévu d’échanger avec eux, afin de construire pour les prochaines années un nouveau plan d’actions, qui intégrerait des thématiques plus vastes que la qualité de l’eau du captage, mais qui permettrait de continuer à les accompagner dans leurs projets.